L’émancipation des femmes et la lutte de libération de l’Afrique – Thomas Sankara CategoriesDes Portraits et Des Actes · Ma Pause Littéraire · Revues

L’émancipation des femmes et la lutte de libération de l’Afrique – Thomas Sankara

Un jour en me baladant sur Twitter, je suis tombée sur un thread reprenant des citations de ce livre de Thomas Sankara. Les extraits lus m’ont tellement marquée que j’ai commandé le livre illico presto ! Je n’avais jusqu’à lors pas lu de livres de Thomas Sankara. J’avais enfin l’occasion de réparer cet impair. 

Qui est Thomas Sankara ? 

Ceci est peut-être une question rhétorique pour certains (et tant mieux), mais les rappels ne font pas de mal. Thomas Sankara est le président du Burkina Faso durant la période de la première révolution burkinabè du 4 août 1983 au 15 octobre 1987. Il a marqué les esprits de tous les africains par son combat et ses réalisations pour une émancipation nationale du Burkina Faso. C’est lui qui est à l’origine du changement de nom de Haute Volta issu de la colonisation française pour le nom Burkina Faso, un mélange de Moré et de Dioula qui veut dire “pays des hommes intègres”. Son mandat est marqué notamment par la lutte contre la corruption, des actions en faveur du développement du pays avec la promotion de la production locale, et l’émancipation des femmes. Il est malheureusement assassiné à 27 ans le 15 octobre 1987, lors d’un coup d’état qui mène au pouvoir Blaise Compaoré. À ce jour, les auteurs de ce crime ne sont toujours pas identifiés. S’ils ont tué l’homme, ils ne réussiront pas à tuer ses idées. Ce recueil, “L’émancipation des femmes et la lutte de libération de l’Afrique”, m’a permis de saisir ses idées et d’en savoir un peu plus sur cet anti-impérialiste qui voulait rendre aux Burkinabè leur dignité. 

Que penser du livre ? 

Pour moi, rien de mieux que des écrits ou des vidéos d’une personne en train de s’exprimer en son nom propre pour connaître ses points de vue. Ça évite d’avoir une déformation de l’information. Je connaissais Thomas Sankara depuis longtemps comme un héros de la lutte anti-impérialiste et colonialiste. Dans le cadre de mes activités avec AAE – African Art Everywhere, je l’ai d’abord appris à le connaître à travers sa vision de l’autonomisation des populations et la valorisation de la production locale avec le Faso Dan Fani. En complément, ce petit livre m’a permis de connaître son point de vue non seulement sur la nécessité de l’émancipation de la femme mais aussi sur la libération de l’Afrique. Les idées défendues par Thomas Sankara dans ce livre nourrissent ceux qui sont pour la dignité humaine partout dans le monde. Le livre se base sur deux discours. Le premier est un discours donné par Thomas Sankara à Ouagadougou lors de la journée internationale de la femme le 08 mars 1987. Le deuxième est un extrait du Discours d’orientation politique donné par Thomas Sankara après le triomphe de la révolution. 

Dans ce livre, Thomas Sankara décrit les racines de l’oppression des femmes et pourquoi il est important pour les révolutionnaires de l’éradiquer. Dans les racines de l’oppression, il explique que l’asservissement historique de la femme est né “avec l’apparition de la propriété privée, à la faveur du passage d’un mode de production à un autre, d’une organisation sociale à une autre”. Avec la propriété privée, l’humanité connaît l’esclavage et le capitalisme. La femme, qu’elle fasse partie de la classe exploitante ou de la classe ouvrière déjà exploitée, “doit un autre silence à son […] mari”. C’est une double exploitation pour les femmes de classe ouvrière. Il expose également la condition de la femme au Burkina Faso, qui est aussi celle de la femme dans d’autres pays d’Afrique ou d’ailleurs. “Scolarisées deux fois moins que les hommes, analphabètes à 99 pour cent, peu formées aux métiers, discriminées dans l’emploi, limitées aux fonctions subalternes, harcelées et congédiées les premières, les femmes sous le poids de cents traditions et de mille excuses ont continué de relever les défis successifs.” Il explique enfin ce que la révolution burkinabè a permis de mettre en place pour les femmes : 3 ans et demi d’actions pour une élimination progressive de la prostitution, du mariage forcé, de l’excision et des conditions de vie particulièrement difficiles pour les femmes. La vraie émancipation de la femme dit-il, c’est celle qui responsabilise la femme en l’associant à l’économie et aux combats auxquels est confronté le peuple. 

Je le rejoins lorsqu’il dit que “l’émancipation tout comme la liberté ne s’octroie pas, elle se conquiert”. Je recommande vivement ce livre dont les sujets restent toujours d’actualité. S’il y a eu des progrès sur certains volets comme l’accès à l’éducation pour les filles avec la mise en place de la scolarité obligatoire de 6 à 16 ans et un taux de scolarisation des filles équivalent à celui des garçons, d’autres problèmes demeurent. Identifier les problèmes et en comprendre les sources pourra permettre de trouver des solutions. L’émancipation de la femme n’est pas un combat à mener uniquement par la femme, mais par la société toute entière. Thomas Sankara a été un allié, un leader et un moteur pour ce combat. Il est une source d’inspiration et un exemple pour tous. Le Dr Cheick Modibo Diarra, également un allié de l’émancipation de la femme, expliquait déjà ici pourquoi il a choisi de financer des bourses pour les filles (dont moi) en disant qu’il était tombé sur cette statistique : “80% des enfants d’une famille atteignent au minimum le niveau d’éducation de leur mère et qu’on n’a pas de corrélation entre le niveau d’éducation des enfants et celui du père”. Le combat continue et c’est un sujet qui me tient à cœur pour les raisons que j’évoque ici

Quelques citations de Thomas Sankara

J’utilise beaucoup de citations au quotidien, et je suis souvent en recherche de citations d’auteurs africains. En voilà quelques-unes issues du livre, pour partager autant que possible la pensée de Thomas Sankara. Servez-vous autant que vous le souhaitez ! 

“La révolution populaire et démocratique a besoin d’un peuple de convaincus, et non pas d’un peuple de vaincus, de soumis qui subissent leur destin.”

“La prostitution n’est que la quintessence d’une société où l’exploitation est érigée en règle. Elle symbolise le mépris que l’homme a de la femme.[…]Il n y a de prostituée que là où existent des “prostitueurs” et des proxénètes.”

“Si dans l’entendement de la société le garçon qui naît est un “don de Dieu”, la naissance d’une fille est accueillie sinon comme une fatalité, au mieux comme un présent qui servira à produire des aliments et à reproduire le genre humain.”

“Au petit homme l’on apprendra à vouloir et à obtenir, à dire et être servi, à désirer et prendre, à décider sans appel. À la future femme, la société, comme un seul homme – et c’est bien le lieu de le dire – acène, inculque des normes sans issue.”

“Femme source de vie, mais femme objet. Mère, mais servile domestique. Femme nourricière, mais femme alibi. Taillable aux champs et corvéable au ménage, cependant figurante sans visage et sans voix. Femme charnière, femme confluent, mais femme en chaînes. Femme ombre à l’ombre masculine.”

“Trop occupée pour accorder l’attention voulue à ses enfants, trop épuisée pour penser à elle-même, la femme continuera de trimer : roue de fortune, rue de friction, roue de secours, grande roue. Rouées et brimées, les femmes, nos sœurs et nos épouses, paient pour avoir donné la vie.”

“Non ! Il faut redire à nos sœurs que le mariage, s’il n’apporte rien à la société et s’il ne les rend pas heureuse, n’est pas indispensable et doit même être évité.” 

“Les femmes ont suffisamment fait la preuve de leurs capacités à entretenir une famille, à élever des enfants, à être en un mot responsables sans l’assujettissement tutélaire d’un homme.” 

“La société a suffisamment évolué pour que cesse le bannissement injuste de la femme sans mari.”

“L’émancipation tout comme la liberté ne s’octroie pas, elle se conquiert. Et il incombe aux femmes elles-mêmes d’avancer leurs revendications et de se mobiliser pour les faire aboutir.”

En conclusion 

Il nous appartient à tous de poursuivre les œuvres de Thomas Sankara, afin que son sacrifice pour le Burkina Faso et l’Afrique n’ait pas été vain. Comme il le dit lui même : 

“Camarades, en avant pour la conquête du futur. Le futur est révolutionnaire. Le futur appartient à  ceux qui luttent. La patrie ou la mort, nous vaincrons !”

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Bookworm et grande optimiste de l’Afrique et de la vie. Contributrice sur www.africanarteverywhere.com. Auteure du Petit Mémo du Primo-Accédant : bit.ly/LePetitMemoPrimoAccedant. #Art #Danse #Ecriture #AfricaEmpowerment

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